Exposition
2014
Texte de présentation par André Martin, fondateur de l’artothèque l’Art Tôt.
Née en 1961, Catherine Van den Steen vit et travaille en région parisienne ; elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux- Arts de Paris (1985).
L’œuvre de la série Algérie, 2012, par laquelle se clôt l’accrochage, a été acquise par l’association l’Art Tôt à la suite d’un atelier artistique conduit par Catherine Van den Steen à la maison de quartier durant les vacances de printemps 2013. Dans le sillage de cet atelier, il avait été envisagé de développer un volet beauvillésois du projet de l’artiste intitulé Femmes d’ici. La série Villiers-le-Bel a été réalisée à l’occasion de l’intervention de l’artiste dans la classe de Jean-Michel Muretti à l’école élémentaire Paul Langevin 2, dans le cadre de l’atelier intergénérationnel organisé en partenariat avec l’hôpital Charles Richet.
Les séries de photographies retravaillées à la gouache et Femmes d’ici – portraits dessinés et peints – constituent deux projets artistiques évoluant parallèlement, qui témoignent de l’attention portée par Catherine Van den Steen à la figure et à sa charge d’humanité ; cette humanité qu’elle nous restitue dans une attention portée à ce qui fait notre quotidien, en particulier dans sa relation à notre habitat.
L’art de Catherine Van Den Steen procède d’une rigueur toute classique dans son observation de la réalité humaine qui l’entoure, rencontrée aussi bien dans son environnement proche que lors de ses séjours en Algérie, en Turquie… Sensible au rapport entre l’intime (portraits de femmes) et le public (séries de photographies), ayant par ailleurs travaillé à partir d’images de presse, elle saisit le sujet dans une objectivité qui doit moins au réalisme ou à l’approche sociologique qu’à une acuité procédant de la rigueur du dessin : et c’est en cela qu’elle se fonde sur une épure toute classique, qui procède par élimination du superflu et répudie les effets chers à l’enthousiasme de la doctrine artistique issue de l’esthétique baroque.
Chaque série de photographies retravaillées à la peinture s’est définie par le choix d’une couleur (contrairement à l’usage qu’a fait John Baldassari du recouvrement partiel de l’image photographique, il n’y a pas ici de bariolage multicolore). Rouge pour l’Algérie, jaune fluo pour Istanbul (avec un avatar rose) ; pour Villiers-le-Bel, ce sont les « trous d’espace » du tissu urbain qui ont induit une poésie de l’ouvert, une poésie qui ouvre sur un ailleurs, exprimée par la couleur bleue. Les bandes bleues induisent une mise à distance entre l’intérieur et l’extérieur : le rapport entre une vie qui reste cachée, mais n’est pas fermée, et un espace qui est ouvert ; tension d’un entre-deux.
La géométrie de l’architecture donne une abstraction sur laquelle peut s’appuyer la poésie de ce qui se passe derrière. Le fait de peindre sur la photo ne se limite pas à cacher : il s’agit de cacher pour provoquer autre chose, amener à autre chose que l’image. D’un point de vue plastique la peinture ramène l’image à la planéité de la photographie (dont la profondeur de champ est paradoxalement écrasée sur la surface en relations de contiguïté) ; le recours aux aplats a dans ce sens un aspect très graphique, qui insiste sur les jeux de ligne de la composition photographique ; mais cette abstraction préserve la nécessité de la figure, quand elle ne met pas simplement en valeur sa présence. Outil d’analyse de la surface photographique, qui interroge le médium photo sur sa capacité à dépeindre le monde et donne à la présence un caractère iconique.
L’effet plastique des surfaces peintes répond à l’espace très architecturé du cabinet médical, qui est lui-même une interface entre l’intime et le public. L’environnement immédiat du cabinet médical est cette fois-ci convoqué dans une vision qui en renouvelle l’image pour induire de nouvelles relations.