Rubens à New York

2014-2018

Une série de PEINTURES et d’œuvres en MULTIPLE ainsi que des DESSINS préparatoires.

PRESENTATION

PUZZLES ICONIQUES À SOLUTIONS MULTIPLES

Quelle énergie chez ces New-Yorkais ! Catherine Van den Steen les a saisis dans un mouvement perpétuel, presque brownien, de croisements, d’élans, de rencontres, de conversations. Ils se parlent, s’embrassent ou simplement conversent au téléphone qu’ils ne semblent pas quitter, et parfois promènent leurs chiens… On les voit circuler dans des lignes de force qui disent la puissance de la cité, dont l’artiste a emprunté les lignes aux solides structures d’acier du métro de la ville, véritables racines souterraines des buildings de Manhattan. Ils sont terriblement humains. Divers, passionnés, tendres, busy, la tête ailleurs ou dans le sac, fatigués ou pleins d’énergie, pris dans des histoires qui les dépassent ou soucieux de forcer le destin…

Pour caractériser leur mobilité, pour l’envelopper, la commenter, la retourner, Catherine Van den Steen n’a pas trouvé mieux que de convoquer quelques oeuvres de Rubens, le maître du baroque – La Chasse au lion (1621), Le Jardin d’amour (1633), La Descente de croix (1612-1614), L’Enlèvement de Proserpine (1621), et Combats de fantassins et de cavaliers (1600-1608), dessin inspiré de La Bataille de Constantin contre Maxence (conçue par Raphaël pour le Vatican et exécutée après sa mort par ses élèves) – qu’elle inscrit en filigrane ou en surimpression dans ses tableaux, peints dans des couleurs qui rappellent celles du pop art… justement new-yorkais.

Ici, peinture d’histoire et histoire de la peinture s’entrelacent, dans un jeu de confrontation, de télescopage, d’effraction, de contact, d’inversion, qui installe un imaginaire, des puissances sous-jacentes, qui déstabilisent le déchiffrage naturel de ces silhouettes que l’on pourrait avoir croisées dans la ville à l’instant. Avec Rubens, c’est le choc des passions et la violence de l’histoire qui se rappellent au spectateur. Si bien qu’il n’y a rien d’anachronique à entremêler les époques. Bien au contraire, de leur rapprochement surgissent des étonnements qui mettent en branle des effets de sens et des interprétations qui peuvent être simultanément poétiques, politiques et analytiques. C’est un jeu d’interprétation sans fin, sorte de cabale picturale, que proposent les oeuvres de Catherine Van den Steen. On aura vite compris que, comme toute la grande tradition de la peinture dans laquelle elles s’inscrivent, ces toiles en forme de puzzles iconiques à solutions multiples ne se regardent pas furtivement, mais longuement, pour en goûter la richesse et la consistance.

Jean-François Bouthors

MAKING-OF

La réalisation des peintures de la série Rubens à New York repose sur un minutieux protocole que l’artiste a découvert en cours de travail au fil de premières peintures auront tenu lieu de terrain d’expérimentation pour aboutir à un mode de composition qui associe la photographie, le dessin, la peinture et le travail sur ordinateur.
Les lignes qui suivent détaillent le protocole de travail tel qu’il s’est appliqué pour chaque toile.

La première étape est celle du choix des pièces qui vont entrer dans le jeu d’interprétation que l’artiste va disposer sur la toile pour le proposer au spectateur. Tri dans la collection de photos prises pendant plusieurs semaines d’un séjour à New York, en septembre-octobre 2014. Sélection d’une série de structures de métal photographiées dans le métro. Repérage de silhouettes tirées des mêmes carnets photographiques. Choix d’une oeuvre de Rubens dont la reproduction du dessin sur la trame de la toile viendra à la fois apporter d’autres dynamiques et énergies, en offrant une profondeur de sens et d’interprétation supplémentaire.

La seconde étape est celle de l’appropriation graphique. Dessin au crayon des silhouettes sélectionnées (dessins – Rubens à NY, Silhouettes). Reproduction au crayon, en valeur, à petite échelle, du tableau du Rubens (dessin – Rubens à NY ). Isolation des structures de métal du métro à la gouache sur des impressions lasers. La toile est alors colorée par un jus de peinture, puis les structures sont dessinées. La toile est ensuite enduite en blanc – à l’exception des parties correspondant aux structures métalliques qui apparaissent ainsi en réserve.

La troisième étape est celle d’un premier stade de la composition. Elle se fait à l’écran, au moyen d’un ordinateur, par la juxtaposition du dessin de l’oeuvre de Rubens sur la trame dessinée par les structures métalliques. Cela permet l’ajustement précis des deux dynamiques principales du tableau. Pour la composition 7 s’est ajoutée à cette étape une « couche supplémentaire » pour incorporer l’image d’une capture d’écran d’une salle de marchés de Wall Street.

La quatrième étape est celle d’un premier acte de peinture, celui qui consiste à transposer sur la toile même le dessin de Rubens, à partir de la disposition qui aura été établie en travaillant sur l’ordinateur. À ce stade, intervient un nouveau choix de couleur qui va donner le fond du tableau.

La cinquième étape est celle du second stade de la composition. À partir d’une photographie de l’état d’avancement de la toile, sur l’écran de l’ordinateur, les silhouettes dessinées au crayon sont disposées. C’est un long ajustement pour que chacune trouve sa taille et sa place exacte, compte tenu de ce qui est déjà posé sur la toile. Il en ressort une maquette en format A 4, tirée sur papier, qui sera ensuite projetée sur la toile pour y poser chaque personnage.

La sixième et dernière étape est celle de la réalisation finale de la peinture, à partir de la disposition reproduite sur la toile. Les personnages sont d’abord esquissés avec un jus rouge avant d’être peints. L’ensemble de la toile est alors repris en peinture : le travail se développe dans une perpétuelle recherche des équilibres, des correspondances, des lumières, des densités, de sorte que les différents éléments de la composition s’entremêlent, s’interpénètrent, pour ouvrir finalement au spectateur un dédale de lectures et d’interprétations possibles autour du thème choisi par l’artiste pour lequel il a disposé les pièces du jeu qu’il propose à celui qui regarde.

Jean-François Bouthors