Exposition à Liège Bruxelles et Anvers
2010
Texte du catalogue par Jean-François Bouthors, éditeur et écrivain.
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DE L’ART DE VOIR QUE VIVRE EST UN ART
Pourquoi peindre, dessiner ou même photographier, sinon pour donner à voir ? Artiste plasticienne, Catherine Van den Steen a exploré pendant dix ans, après être sortie des Beaux-Arts de Paris en 1985, l’abstraction, avant de revenir vers la figuration. Elle en a gardé une manière d’observer le réel qui lui permet d’effectuer une opération qui modifie notre manière de regarder pour entrer dans une dimension poétique – interprétatrice et créatrice – par laquelle nous voyons ce qui d’ordinaire nous échappe. Il y a de l’invisible dans le visible, que l’acte de peindre, de dessiner, voire même de photographier, nous dévoile, en ne se contentant pas de décalquer le réel, de le reproduire à l’identique.
Tout devient affaire de cadrage, de vibration, de couleur, d’emplacement, de côtoiement… Dès lors une architecture, un reflet, une silhouette, une ombre, un arbre, un visage, nous « parlent » différemment, et l’artiste devient celui par qui l’œil du spectateur écoute… c’est-à-dire se laisse surprendre et déplacer plus qu’il ne prétend englober. Ainsi ce monde, le nôtre, se révèle-t-il comme un autre – de même que le philosophe Paul Ricœur invitait à se considérer « soi-même comme un autre » –, vivant, étonnant, mystérieux, en devenir. Paradoxalement, dans l’espace d’un dessin, dans le cadre d’une peinture, rien n’est enfermé, tout devient ouverture, dépassement, voyage, reconnaissance.
Née en France de parents belges, Catherine Van den Steen a voulu, en 2008, faire de la Belgique le sujet d’une nouvelle étape de son travail artistique. Assez vite, elle a laissé de côté le souci d’approfondir ses origines complexes. Elle n’a pas voulu non plus faire des tensions identitaires qui traversent le pays le nœud de son travail, mais plutôt placer le « lieu » belge dans le collimateur de son acte pictural pour dévoiler la texture humaine.
Avec le mode d’expression qui est le sien, Catherine Van den Steen ne donne pas de leçon à la Belgique. Elle l’invite à se regarder à travers trois villes – Liège, Bruxelles et Anvers – et trois médiums artistiques – la peinture, le dessin et la photographie. Si la peinture se montre à Liège, au musée d’Art moderne et d’art contemporain, le dessin à Bruxelles, à BOZAR, et la photographie à Anvers, sous le patronage du FotoMuseum, dans les salons du consulat général de France, dans chaque lieu, les trois « points de vue » sont offerts au regard, dans un dialogue permanent.
Regardez-vous, regardons-nous, suggère l’artiste au spectateur, qui ne saura pas toujours si telle œuvre renvoie à une situation liégeoise, anversoise ou bruxelloise. Il y a du commun et de la différence, de la différence commune, à travers quoi se définit une manière d’être trois fois belge.
Vivant en France, mais fidèle à un amour de la lumière et des gens enraciné, notamment dans la peinture flamande et particulièrement celle de Breughel, Catherine Van den Steen ne peut que ressentir cette singularité. Dès lors, à partir de ses œuvres, chacun peut se représenter la Belgique, au présent, une et multiple. Vibrante. Inattendue parce qu’humaine. Par son art de voir, l’artiste invite à veiller sur un art de vivre.