du Commencement

Exposition – Evreux

2006

Texte de présentation de l’exposition Maurice Maillard, artiste et directeur de la Maison des Arts.

Ētre artiste, c’est, depuis toujours, tenter de répondre à la triple question posée par Paul Gauguin comme titre emblématique d’une de ses peintures: «  D’où venons nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? »

La peinture et les collages de Catherine Van den Steen, bien que très éloignés de la peinture de Gauguin, gravitent depuis ses premières œuvres, autour de ces mêmes interrogations.

La présente exposition « Au commencement » repose la question originelle : « D’où venons-nous ? » Qu’on peut formuler en « Où, quand et pourquoi l’humanité et le monde ? »

Face à l’ampleur de l’angoisse suscitée par ce questionnement, toutes les civilisations ont construit des mythologies, des religions et des œuvres d’art. L’occident auquel nous appartenons a pour soubassement le grand texte de la Bible qui débute par le « commencement » : l’origine du monde. Derrière la partition du monde entre ténèbres et lumière, entre soir et matin, entre terre et eaux, entre nature et humanité… c’est la volonté de donner forme à l’informe, et la nécessité de transcender le réel qui se dessinent.

Catherine Van den Steen tend vers cette transcendance en empruntant la voie de la contemplation poétique de la nature comme le relève bien Pascale Le Thorel dans la préface de cette exposition : « Nature reflet, sans fioriture, sans fleur, aux arbres sans racines, qui renvoie le spectateur à lui-même, mais aussi à une possibilité d’envol, comme ces oiseaux qui s’élèvent, bien souvent dans le ciel des tableaux ».

Ces tableaux qui jouent de l’ambiguïté entre réalisme et abstraction sont des fenêtres ou des écrans lisses et silencieux sur lesquels se projette le rayonnement d’un univers à l’état natif. L’horizon qui toujours recule, n’y est qu’une infime lisière entre deux éléments voisins. L’arbre affirme déjà la verticalité du monde habitable et suggère le bruissement du feuillage et le chant des oiseaux comme des prémices du langage.
La peinture et les collages exposés ici n’ignorent rien de l’histoire de l’art et posent à leur manière la question de la représentation, de l’image et de la transcendance dans notre civilisation. Catherine Van den Steen rejoint ainsi dans ses préoccupations d’autres jeunes artistes contemporains, peintres ou photographes, comme Alexia Hollander par exemple.

Les collages extraient de nos quotidiens et magazines les images banales de la solitude, de l’exil, de la cruauté ou de la joie, et les incorporent au cœur du phénomène plastique, c’est dans l’espace du peintre en quête de beauté que Catherine place l’unique et pourtant diverse figure humaine. Que l’apparition de l’homme au sixième jour de ce « commencement » revête ici la forme kaléidoscopique du collage accuse l’écart entre humanité et nature, entre complexité interrogative et apparence édénique.

L’œuvre de Catherine Van den Steen, bien que prenant sa source dans le livre de la Genèse est plus philosophique, plus métaphysique que religieuse. En effet, la peinture religieuse exalte les réponses apportées aux questions existentielles et espère l’adhésion du spectateur aux formes du sublime.
Ici, cette peinture ne donne pas de leçon. Ou, plus exactement si elle donne une leçon, c’est une leçon de silence et de contemplation interrogative. La question demeure permanente, elle est le moteur d’une œuvre toujours en devenir qui scrute le monde dans sa globalité pour en percer l’invisible et l’indicible tout en éprouvant les transports et la joie de la beauté et de la création.