Exposition Maison Gérard Philipe – Cergy
1998
Texte du catalogue par Annie Ernaux, écrivain.
Lorsque j’ai vu les œuvres de Catherine Van den Steen, j’ai pensé que sa démarche artistique obéissait complètement au « principe de nécessité intérieure » défini par Kandinsky.
Des premiers travaux aux plus récents, se dessine une trajectoire illuminée, mais aussi bousculée, brûlée, par une violente exigence spirituelle. Dès sa sortie des beaux-arts, Catherine Van den Steen s’évade du figuratif, pulvérise les formes, offrant de purs jaillissements de mouvements et de couleurs, des élancements vers une réalité invisible. De cette lutte avec le chaos – avec l’ange aussi, sans doute – surgissent brusquement la ligne droite et la ligne géométrique délimitant et intensifiant les territoires de la couleur. De la lumière aussi, qui ne quittera plus l’œuvre, et dont les jeux dans la série de cinq tableaux inspirés par la Passion sont si poignants. Dans cette période, la peinture de Catherine Van den Steen atteint une sorte de point limite dans la pureté et la violence qu’implique toute pureté.
L’installation de l’artiste à Cergy, la rencontre de son univers intérieur avec les paysages et les lumières particulières de la ville nouvelle, marque un tournant dans sa création.
C’est dans le réel (les lignes architecturales, les couleurs des murs, du ciel et de l’eau à Cergy) que Catherine Van den Steen poursuit sa quête, captant et délivrant l’essence de la ville nouvelle, donnant forme au rêve étrange, insaisissable, sous lequel cette ville existe en chacun de ses habitants.
Et il y a ceci, maintenant, de profondément émouvant : la place redonnée à l’homme, à sa souffrance.
D’abord des silhouettes longilignes, solitaires, dont les têtes à peine visibles se perdent dans les nuages.
Puis des corps arrondis, rapprochés, dans des gestes de transmission d’une parole ou d’un secret, sur le fond d’un sombre rouge et charnel.
Tout dans le travail de Catherine Van den Steen, témoigne d’un art vécu comme une interrogation continuelle.